UN LAPIN POURRAIT-IL SURGIR DE VOTRE PORTEFEUILLE ?

STRATEGIE ET THEMATIQUES
Depuis début novembre, les actions chinoises triomphent
Les investisseurs saluent l'action des autorités publiques et anticipent la reprise économique
Structurellement, le marché chinois est trop grand et trop bon marché pour être ignoré
Alors que 2023 s'annonce difficile sur les marchés développés, le lapin sera signe de prospérité

GRAPHIQUE DE LA SEMAINE : "Performance des actions depuis novembre 2022"

ANALYSE DES MARCHÉS BOURSIERS

Dimanche 22 janvier, la Chine entrera elle aussi en 2023, puisqu'elle célébrera le premier jour de l'année lunaire du lapin d'eau. Le lapin peut sembler fragile et peu combatif mais cet animal symbolise la prospérité et la paix, tandis que l'eau représente la capacité d'adaptation. L'année 2023 s'annonce donc comme une année de compromis et d'espoir… tout ce que les investisseurs affectionnent. Lors de son premier discours de l'année, le président Xi Jinping a adopté un ton mesuré, moins conflictuel que la rhétorique employée lors des trois dernières années : "Nous chérissons la paix et le développement, et apprécions les amis et les partenaires". Il n'y a eu ni appel à l'unification avec Taïwan, contrairement à l'année précédente, ni mise en garde contre les forces extérieures comme lors du congrès du Parti communiste en octobre.

Les investisseurs semblent partager l'avis positif des astrologues et des politologues : les principaux indices boursiers chinois enregistrent de très bonnes performances depuis le 1er janvier, dans la droite ligne du quatrième trimestre 2022 (cf. Graphique de la semaine). Nos analyses corroborent également cet enthousiasme, tant d'un point de vue conjoncturel que structurel.

1. Les facteurs conjoncturels s'améliorent

  • Après plusieurs années difficiles, le gouvernement chinois est passé à l'offensive. La politique budgétaire et la politique monétaire sont devenues très expansionnistes, destinées à favoriser la reprise économique des petites entreprises et la consommation des ménages. Tandis que le gouvernement met en place des soutiens fiscaux, la banque centrale abaisse ses taux et favorise l'octroi de prêts.
  • La confiance des directeurs d'achat est en train de marquer un point bas. Elle suivra la dynamique du crédit dans les prochains mois (cf. Fig. 2), surprenant positivement le consensus des économistes. Ce ne sera pas le cas partout sur la planète.

  • La plupart des restrictions sanitaires ont été levées à la mi-décembre. Certes, la deuxième économie mondiale connaît une vague épidémique d’une ampleur inédite mais ses entreprises sont sur le point de fonctionner à plein régime.
  • Après deux ans d'interdiction, les importations de charbon australien sont sur le point d'être à nouveau autorisées. Dans un contexte de crise énergétique mondiale, la Chine veut à tout prix éviter une situation de black-out.
  • La répression réglementaire appliquée à l'égard des géants de la technologie, comme Alibaba, Baidu, Bytedance, Didi, JD.com, Meituan ou Tencent, semble prendre fin. Sous contrainte de travailler en ligne avec les directives gouvernementales, ces sociétés pourront à nouveau développer leurs activités.
  • Les "trois lignes rouges" qui ont exacerbé l'effondrement du marché immobilier à partir d'août 2020 viennent d'être modifiées. Concrètement, les promoteurs pourront accroître davantage leurs ratios d'endettement, notamment en excluant de ces ratios l'acquisition d'actifs en difficulté.
  • Les pressions inflationnistes sont bien moindres en Chine que dans le reste du monde. Les prix ont progressé de 1.8% en 2022, contre 9.2% en Zone Euro, 7.1% aux Etats-Unis, et même 3.8% au Japon, le pays de la déflation (cf. Fig. 3).

L'économie chinoise devrait ainsi croître de 6% en 2023, alors que la plupart des économies développées expérimenteront une récession historique. Après avoir souffert des confinements puis de la recrudescence des cas de covid, la demande intérieure rebondira fortement, comme ce fut le cas en 2021 dans les grandes économies développées. Les ménages chinois ont accumulé une épargne importante ces trois dernières années (cf. Fig. 4), qui ne demande désormais qu'à être dépensée. Les derniers chiffres recensant la mobilité des Chinois (cf. Fig. 5) tendent à confirmer qu'ils ne se rendent pas uniquement sur leur lieu de travail, mais également dans les magasins pour y faire des achats.

Les investisseurs, qui avaient fini par capituler, c'est-à-dire par vendre leurs actions chinoises en 2022 (cf. Fig. 6) et emporter les ratios de valorisation vers des niveaux historiquement bas (cf. Fig. 7), seront à nouveau enclins à s'y intéresser. Bien entendu, les risques spécifiques aux titres chinois demeurent : le système politique n'est pas démocratique, le gouvernement peut faire de l'ingérence dans les activités industrielles et commerciales des entreprises privées, les tensions géopolitiques sont fortes entre Pékin et Washington, la cotation de titres chinois aux États-Unis (ADR) est régulièrement remise en cause, etc. Ces risques persistent, mais ils sont actuellement intégrés dans les cours boursiers et, par effet miroir, les investisseurs qui les acceptent seront largement rémunérés.

Le mouvement d'appréciation de la bourse chinoise amorcé depuis novembre pourrait même s'accélérer. Selon les données d'IHS Markit, les positions vendeuses sur les ADR chinoises ont diminué en décembre (cf. Fig. 8). Si le sentiment continue de s'améliorer en 2023, la nécessité de couvrir la totalité de ces positions favorisera la hausse du marché.

2. Les fondamentaux structurels sont porteurs

Au-delà de l'aspect conjoncturel, les actions chinoises ont un intérêt structurel pour les investisseurs.

  • La Chine est un géant économique. Grâce à une stratégie politique de long terme, à une urbanisation régulière, à une population éduquée, à l'acquisition de connaissances, à la croissance de la productivité et à la recherche d'autosuffisance dans les secteurs d'avenir, la Chine est devenue un leader économique dans de nombreux domaines industriels y compris ceux des technologies avancées. La forte croissance de son activité devrait permettre à la Chine de devenir la première puissance économique mondiale en 2028, devant les États-Unis et l'Union Européenne.
  • L'environnement régulatoire s'améliore. Petit à petit, la Chine ouvre ses marchés financiers nationaux aux investisseurs étrangers, avec des possibilités de négociation accrues et un accès à des instruments financiers plus complexes.
  • Le marché chinois est trop grand pour être ignoré. Les fournisseurs d'indices de référence, tels que MSCI, augmentent la pondération de la Chine dans leurs différents benchmarks. Les actions chinoises représenteront environ 5% de l'indice MSCI ACWI en 2024, contre 4% en 2021, 3% en 2017, 2% en 2008 et 0% en 2000 (cf. Fig. 10). Cette tendance sera amenée à se renforcer jusqu'à ce que le poids final de la Chine dans les indices mondiaux soit proche de celui de son économie dans le monde, c'est-à-dire 20 % (cf. Fig. 9).

  • Les flux de capitaux vont s'accélérer. Historiquement, les investisseurs avaient peu d'actions chinoises dans leur allocation d'actifs. Une enquête menée par BlackRock en 2020 a montré que l'allocation moyenne était inférieure à 3%, effectuée non pas directement mais via une exposition plus large aux marchés émergents. Viendra le temps où les investisseurs ne pourront plus prendre le risque de constater la sous-performance de leurs portefeuilles à cause d'une trop faible allocation en actions chinoises. D'ici quelques années, les directeurs d'investissements, les stratèges, les gestionnaires d'actifs et de portefeuilles dissocieront clairement la Chine des marchés émergents. Ce faisant, en augmentant leur exposition pour atteindre le poids de la Chine dans les indices boursiers mondiaux, ils généreront un flux de capitaux régulier.
  • Il existe encore des poches d'inefficience. Alors que les actions chinoises offshore (actions H) sont principalement échangées par des investisseurs institutionnels, les actions domestiques (actions A) sont majoritairement détenues par des particuliers en Chine (cf. Fig. 11). De la même manière et selon les données de la Banque Populaire de Chine (PBoC), les investisseurs étrangers ne détiennent que 4.3% du marché national des actions A. Cette anomalie, liée à la jeunesse de ce marché boursier, permet aux professionnels de l'investissement d'exploiter certaines inefficiences.

  • Les actions chinoises apportent de la diversification. Ces dernières années ont mis en évidence le rôle important que les actions chinoises peuvent jouer pour apporter de la résilience aux portefeuilles stratégiques. Elles surperforment régulièrement, notamment lorsque le dollar américain s'affaiblit (cf. Fig. 12). Ce scénario est hautement probable cette année, à mesure que la Réserve fédérale se rapprochera de la fin de sa politique de hausse de taux directeurs et que les autres grandes banques centrales auront, elles aussi, augmenté leurs taux d'intérêt. Les opérations de portage (carry trade) seront moins favorables et la demande de dollars faiblira.

De nombreux investisseurs s'exposent à la Chine en suivant des indices de référence, comme le MSCI Emerging Markets, qui ne sont pas spécifiques aux titres chinois (cf. Fig. 13). D'autres encore optent pour des véhicules d'investissement, comme le Footsie China (cf. Annexe 1), qui accordent une importance exagérée aux sociétés offshore (actions H) et aux grandes capitalisations. Si certaines de ces entreprises sont en train de devenir des leaders mondiaux dans leur domaine, d'autres sont contrôlées par le gouvernement et n'ont qu'une exposition négligeable à la demande intérieure, qui croît plus rapidement. Pour s'exposer à l'ensemble de l'activité en Chine, les investisseurs doivent également se tourner vers les petites sociétés onshore (cf. Fig. 14) : les actions A et le marché STAR, semblable au Nasdaq, sont le reflet d'une économie moderne dans des secteurs innovants, incluant la biotechnologie, l'intelligence artificielle et la 5G.

Conclusion

Alors que la croissance mondiale connaîtra un affaiblissement considérable en 2023, l'économie chinoise enregistrera une trajectoire ascendante. Cette décorrélation exceptionnelle, liée à la fin de la stratégie zéro covid et au puissant soutien des politiques budgétaire et monétaire, est de très bon augure pour les actions chinoises, y compris les petites capitalisations qui sont naturellement liées au marché domestique. Les investisseurs ne pourront se passer de cette allocation pour générer un peu de magie et de prospérité dans leurs portefeuilles durant l'année du lapin.

Annexe 1 – Le marché des actions chinoises

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