RESILIENCE ET OPPORTUNITES

STRATEGIE ET THEMATIQUES
Quels secteurs ont bien performé en 2022 ?
Quels secteurs ont périclité ?
Quelles sont les thématiques qui conserveront leur momentum en 2023 ?
Et quelles stratégies faut-il continuer à éviter ?

GRAPHIQUE DE LA SEMAINE :
"Grande fragmentation dans le marché actions"

ANALYSE DES MARCHÉS BOURSIERS

Le marché a été bien chahuté ces 11 derniers mois (cf. Graphique de la semaine). Les événements géopolitiques ont remis en cause les choix politiques en matière d’énergie et encouragé davantage le protectionnisme industriel. Cette fin d’année permet de faire le point et de réaligner l’allocation actions si nécessaire sans succomber au chant des sirènes… ou « bull trap ». Celle-ci doit devenir plus résiliente face à l’inflation, au niveau élevé des taux et à la récession à venir.

Quels secteurs ont bien performé en 2022 ?

Dans cet environnement instable, le secteur de l’énergie (MSCI ACWI Energy Index), en hausse de +29.2% depuis le début de l’année, est le seul secteur à afficher une performance positive. C’est le grand retour des énergies fossiles mais aussi l’accélération de l’engagement vers les énergies renouvelables (cf. Fig. 2). En Europe, le « Green Deal » a pour ambition de mener le continent vers la neutralité carbone d'ici 2050. Un paquet de mesures devrait permettre aux ménages et aux entreprises européennes de bénéficier d'une transition verte durable. L'utilisation des énergies renouvelables présente de nombreux avantages, notamment la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la diversification des approvisionnements énergétiques et surtout une moindre dépendance envers les combustibles fossiles (en particulier le pétrole et le gaz). La croissance des sources d'énergie renouvelables peut également stimuler l'emploi dans l'UE.

Les stratégies défensives, peu sensibles aux cycles économiques, ont tenu le cap, comme l’illustrent le secteur de la santé (-4.6%), des biens de consommation courante (-4.9%) et les services publics (-3.6%). Il en est de même pour le secteur des assurances (+0.6%). La population doit toujours se nourrir, se soigner et souhaite de plus en plus protéger sa santé et ses biens via des produits d’assurance. La croissance est certes plus faible que sur le reste du marché mais ces sociétés génèrent de bons cash-flows et bénéficient de bilans solides.

Le secteur des matières premières a évolué entre deux eaux (-8.3%), tantôt plébiscité suite à l’invasion de l’Ukraine, ou tantôt sanctionné face aux défaillances du secteur immobilier chinois et au maintien de la politique zéro covid par Xi Jin Ping. La guerre en Ukraine a fait grimper les prix de l’énergie, mais aussi des matières premières agricoles ou des ressources naturelles, vers des niveaux jamais atteints depuis la grande crise financière de 2008.

Quels secteurs ont périclité ?

Le secteur technologique (-27.2%) a vu ses multiples de valorisation se compresser sous l’effet de la hausse des taux. Au sein du secteur, les semi-conducteurs (-32.1% - cf. Fig. 4), après avoir tenté de combler plus d’une année de pénurie due à la pandémie de Covid-19, connaissent un contre-choc face au fort ralentissement de la demande. Cependant, à long terme, les semi-conducteurs demeurent un secteur stratégique et les Etats s’engagent auprès des industriels pour rapatrier les capacités de production sur les continents américain et européen.

Le secteur de la communication (-33.8%), se trouve également dans la tourmente alors que ses revenus, issus en grande partie de la publicité, fondent sous l’effet du resserrement de la politique monétaire des banques centrales. Les budgets « Ventes et Marketing » sont en effet les premiers à être coupés en période de ralentissement économique (cf. Fig. 5).

Le secteur de l’immobilier (-22.3%) affiche l’une des pires performances. La rapidité de la hausse des taux a conduit à l’arrêt quasi instantané des transactions. Le CAP RATE ou taux de capitalisation (résultat net opérationnel/capitalisation boursière) représente le rendement auquel peuvent prétendre les investisseurs à un instant t. Celui-ci suit le taux des obligations gouvernementales à 10 ans avec un écart de rendement moyen de 350 bps. Si les taux longs remontent trop vite, ce qui a été le cas cette année, alors le CAP RATE remonte et les prix des biens immobiliers baissent.

Le secteur industriel (-11.3%) a souffert des problèmes d’approvisionnement, des confinements en Chine, de l’inflation élevée et de la hausse des prix de l’énergie. La crise énergétique a un effet particulièrement néfaste sur les compagnies européennes, parfois obligées de stopper leurs usines pour ne pas produire à perte.

Quelles sont les thématiques qui conserveront leur momentum en 2023 ?

Les secteurs défensifs devraient continuer de surperformer, soutenus par une meilleure visibilité des résultats dans un environnement macroéconomique et géopolitique très incertain. Le secteur des biens de consommation courante bénéficie d’une croissance stable des revenus grâce à une faible élasticité de la demande. L’inflation du prix des matières agricoles, de l’emballage et du transport a déjà atteint des sommets et commence à décroître. Les sociétés devraient donc être en mesure d’améliorer leurs marges alors que l’augmentation des coûts a déjà été transférée aux clients. Les multinationales comme Nestlé, Mondelez, Diageo ou Pernod Ricard ont les capacités financières pour faire face à la crise et, mieux encore, de contribuer à la consolidation du secteur. Les opportunités de croissance externe ne manquent pas, alors que les goûts et préférences des consommateurs évoluent rapidement et que de nouveaux marchés sont à conquérir.

Les secteurs de l’énergie et des matières premières devraient également maintenir leur cap, non pas grâce à la demande, mais à cause des faibles investissements en exploration et production. L’offre devrait donc très vraisemblablement diminuer. A plus long terme, la transition énergétique et la digitalisation de l’économie soutiendront la demande et feront grimper les prix. La transition vers les énergies renouvelables requiert des matières premières (cf. Fig. 6) comme le cuivre, le nickel, le lithium ou les terres rares (neodymium et dysprosium).

Le secteur des énergies renouvelables devrait également bénéficier des différents programmes de subventions. La loi américaine sur la réduction de l'inflation a pour objectif d’encourager les investissements dans les énergies propres et la fabrication de technologies telles que les panneaux solaires, les batteries pour le stockage et pour les véhicules électriques, les éoliennes, etc. De son côté, l’Europe, poussée par la guerre qui se déroule actuellement en Ukraine, a décidé d’accélérer la transition vers une énergie propre et de réduire sa dépendance à la fois vis-à-vis de fournisseurs comme la Russie et des combustibles fossiles dont les prix sont volatils. Un cadre politique global est nécessaire pour que la transition énergétique réussisse. Le plan REPowerEU (Action européenne commune pour une énergie plus abordable, plus sûre et plus durable) vise à rendre l'Europe indépendante des combustibles fossiles russes d'ici 2030. Les utilities européens, les équipementiers d’éoliennes, de panneaux solaires ou de terminaux LNG devraient profiter des transformations qui vont s’opérer.

Les sociétés pharmaceutiques continuent de bénéficier de l’accroissement de la classe moyenne dans les pays émergents et du vieillissement de la population dans les pays développés. La pandémie de Covid-19 leur a été plutôt favorable, accélérant la R&D dans certains domaines, tels que l’oncologie (i.e. les vaccins ARNm) avec des promesses de nouveaux médicaments révolutionnaires pour prévenir ou guérir certains cancers.

La révolution industrielle 4.0 fait apparaître des mégatendances dont les leaders du secteur, comme Siemens, Schneider Electric, ABB ou Eaton, se sont emparés pour se différencier encore davantage et asseoir leur croissance. Les sociétés bénéficiant d’un pouvoir de fixation des prix ou de moteurs de croissance structurels pourraient surperformer ces prochains trimestres, notamment celles qui vendent leurs produits aux services publics, sociétés minières, énergétiques ou impliquées dans la construction d’infrastructures digitales.

Enfin, malgré une année 2022 compliquée, les semi-conducteurs demeurent le quatrième produit le plus échangé au monde, après le pétrole brut, les pièces automobiles et les produits pétroliers raffinés. Le marché était d’environ 500 milliards de dollars en 2022 et pourrait atteindre le trillion de dollars d’ici 2030. Sa croissance est exponentielle. La demande est forte et la construction d’usines de semis, ou fonderies, accélère partout dans le monde pour faire face à la pénurie (cf. Fig. 7). Les fabricants coréens, chinois et taiwanais mais aussi américains étendent leurs lignes de production pour augmenter l'offre, tandis que les nouvelles conceptions de puces nécessitent des équipements plus avancés. Ce sont donc les équipementiers comme Applied Materials, Lam Research ou ASML, qui devraient bénéficier de la tendance en premier.

Quelles stratégies faut-il continuer à éviter ?

Les secteurs cycliques vont continuer d’être volatils et pourraient tirer les marchés vers le bas au moins pendant la première partie de l’année prochaine. Le secteur industriel pourrait continuer à souffrir de la crise énergétique en Europe et du ralentissement de la demande globale. Dans un contexte où les commandes de biens durables avaient accéléré fortement post-Covid-19 grâce aux aides étatiques destinées à relancer l’économie, la production de biens manufacturés a fortement ralenti et commence à se contracter (cf. Fig. 8).

Les secteurs de croissance, après avoir expérimenté la contraction marquée de leurs multiples de valorisation, pourraient connaître une importante révision à la baisse de leurs résultats nets. Les grandes entreprises du secteur ont déjà commencé à prendre des mesures de réduction de coûts via des licenciements massifs. Elles vont certainement continuer à réduire la voilure et les dépenses liées à des projets non prioritaires.

Le secteur immobilier pourrait avoir du mal à trouver un support alors que le monde entre en récession et que les ménages perdent leur pouvoir d’achat. A long terme, les actifs réels demeurent cependant un bon hedge contre l’inflation.

Attention également au secteur financier, qui, même s’il connaît une certaine euphorie liée au retour des taux d’intérêt positifs, pourrait avoir à prendre des réserves pour créances douteuses.

Conclusion

L’inflation et le niveau élevé des taux d’intérêt devraient avoir un fort impact sur le pouvoir d’achat des ménages et sur la marge opérationnelle des entreprises. Les secteurs de l’énergie, des matières premières et les secteurs défensifs pourraient aider à stabiliser les portefeuilles ces prochains mois. Enfin, les secteurs « value » ou ceux bénéficiant de bons fondamentaux resteront également des valeurs refuges.

RENDEMENT DES ACTIFS FINANCIERS