PENTIFICATION NE DOIT PAS RIMER PAS AVEC HÉSITATION

STRATEGIE ET THEMATIQUES
Lundi, 11 Mars 2024
Jamais depuis 1980, la courbe des rendements n'avait été inversée si fort et si longtemps
Pourtant, les investisseurs auraient tort de douter d'un retour à la normale
Malgré ce contretemps, la préférence pour le présent finira par s'appliquer
Bill Gross s'appuie sur ce rationnel et sur les produits structurés pour en tirer profit

GRAPHIQUE DE LA SEMAINE : "Dans huit jours, l'inversion atteindra un record de longévité"

ANALYSE DES MARCHÉS OBLIGATAIRES

Ce lundi 11 mars marque le 615e jour consécutif où le rendement des obligations à 10 ans du Trésor américain a été inférieur à celui des obligations à 2 ans. Dans la Zone Euro, la période d'inversion de la courbe des rendements a débuté plus tard, mais elle en est déjà à son 489e jour. Par le passé, ces longues durées n'ont été surpassées que lors du record de 623 jours, établi entre le 17 août 1978 et le 1er mai 1980 (cf. Graphique de la semaine). Lors de la première récession Volcker, la Fed avait réduit le taux des fed funds de 20% à 9.5% en l'espace de trois mois. Bien que cette période soit souvent associée à une application rigoureuse des principes monétaristes, le président de la Réserve fédérale était pragmatique dans son approche. Il était prêt à accepter des écarts par rapport aux objectifs fixés par le comité fédéral de l'open market (FOMC). Cette décision controversée reflétait la difficulté de trouver un équilibre entre la maîtrise de l'inflation et la préservation de la croissance économique et de l'emploi. La flexibilité de la Fed avait alors permis à la Fed de naviguer à travers les cycles économiques, tout en maintenant son engagement envers un strict contrôle de l'inflation.

Depuis 2023, nous anticipons un retour progressif des courbes de taux vers un état plus "normal", où la préférence pour le présent est respectée et où, par conséquent, les rendements des échéances longues dépassent ceux des échéances courtes. Ce processus semble avoir débuté mais il n'en est qu'à ses prémices et il demeure balbutiant. Les spreads ne sont pas encore redevenus positifs ; ils sont simplement moins négatifs.

En mars 2023, la pentification de la courbe a été amorcée grâce à une chute brutale de la partie courte (bull steepening). La Réserve fédérale ayant communiqué que la hausse des taux arrivait à sa fin, les investisseurs avaient alors commencé à anticiper la phase suivante, celle où l'institution monétaire couperait ses taux. Malheureusement, en mai et juin, les investisseurs ont eu des doutes sur ce scénario et la courbe des taux s'est à nouveau inversée (cf. Fig. 2 & 3).

Entre le 1er juillet et le 31 octobre, les investisseurs ont de nouveau cherché à repentifier la courbe des taux, mais de manière inhabituelle, grâce à la hausse des taux longs (bear steepening). Puis, une nouvelle fois, les doutes se sont installés. A mesure que les chiffres de croissance et d'inflation ont été publiés, plus forts qu'attendu, les investisseurs ont réduit leurs anticipations de baisse de taux par les banques centrales. Ce faisant, ils ont ramené les rendements des échéances courtes à un niveau élevé. La courbe des taux s'est ainsi de nouveau inversée. La courbe 2/10 est actuellement de -42 points de base aux États-Unis et de -52 pdb en Zone Euro (cf. Fig. 2 & 3).

Parmi les banques d'investissement, certains stratèges perdent patience. Ceux de JP Morgan sont les derniers à avoir révisé leurs prévisions pour les bons du Trésor. Ils estiment désormais que les rendements à deux ans et à dix ans termineront l'année 2024 à 3.80%, contre 3.25% et 3.65% respectivement. Cela signifie qu'ils s'attendent à ce que la courbe 2/10 soit plate en fin d'année, contre une pente attendue à +40 points de base dans leurs anciennes prévisions.

Malgré la frustration liée à ce contretemps, le potentiel de repentification de la courbe des rendements demeure intact. Bill Gross s'est récemment joint aux investisseurs qui parient sur une courbe plus raide. Avec d'autres mots, il rejoint notre analyse en stipulant que le capitalisme, basé sur la finance, dépend d'une courbe de rendement positive et que, si la courbe est inversée, elle permet d'obtenir facilement un rendement élevé pour un risque moindre. Ce phénomène est destructeur pour l'économie. Pour mémoire, Bill Gross est le cofondateur et l'ancien directeur des investissements de Pacific Investment Management Co., plus connu sous le nom de PIMCO, le plus gros fonds en obligations du monde. Un temps décrit par le New York Times comme l'investisseur en obligations le plus important de la nation, il a pris sa retraite en 2019 et gère désormais sa fortune. Il affirme également que la courbe des rendements deviendra positive en raison de l'offre importante de bons du Trésor et d'un ralentissement potentiel des rachats de la Fed.

Pour en tirer profit, Bill Gross s'appuie sur des produits structurés qui s'apprécient lorsque l'inversion de la courbe des rendements se réduit. Concrètement, il achète des contrats septembre 2024 liés au Secured Overnight Financing Rate et il vend ceux de septembre 2025. Actuellement, le taux du contrat le plus court est supérieur d'environ 98 points de base à celui du contrat le plus long. L'investissement sera payant à mesure que l'écart se réduira.

Conclusion :

La courbe des taux a déjà commencé à se repentifier, mais le mouvement n'en est qu'à ses débuts. La récente pause ne doit pas générer de doutes chez les investisseurs. La préférence pour le présent continuera progressivement de reprendre ses droits.

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