L’ÉNERGIE NUCLÉAIRE PEUT-ELLE FAIRE DE L’OMBRE AU SOLAIRE ?

STRATEGIE ET THEMATIQUES
L’énergie solaire, sous toutes ses formes, saura-t-elle combler les besoins énergétiques ?
Parallèlement, l’énergie nucléaire pourrait renaître tel le Phénix
L’indépendance énergétique nécessite aussi de s’affranchir de la dépendance chinoise

ANALYSE DES MARCHÉS FINANCIERS

Le secteur de l’énergie solaire s’est stabilisé. Après deux années de forte volatilité, où l’ETF Invesco Solar (TAN US) a progressé de + 233% en 2020 puis chuté de -25% en 2021, il est en légère progression (+3.7%) en 2022.

GRAPHIQUE DE LA SEMAINE : "Matières premières nécessaires, par type de source d'énergie"

Source: DOE Quadrennial Technology Review, Table 10; Bloomberg; Atlantic Financial Group

ANALYSE DES MARCHÉS FINANCIERS

Le secteur de l’énergie solaire s’est stabilisé. Après deux années de forte volatilité, où l’ETF Invesco Solar (TAN US) a progressé de + 233% en 2020 puis chuté de -25% en 2021, il est en légère progression (+3.7%) en 2022.

L’énergie solaire, sous toutes ses formes, saura-t-elle combler les besoins énergétiques ?

L’énergie solaire apparaît comme la grande gagnante de la transition énergétique, et l’innovation promet des développements nombreux et variés. Les panneaux solaires photovoltaïques (PV) commencent à se décliner sous divers formats : vitrages dans les immeubles de bureaux ou d’habitation, tuiles de couverture pour les maisons, source d’ombre pour les voitures dans les parkings ou pour les cultures sous serres.

En Europe, en raison de la hausse des prix du CO2, l’énergie solaire apparaît déjà comme l’une des énergies les moins coûteuses avec l’éolien (cf. Fig. 2).

Si la technologie photovoltaïque n’en est qu’à ses balbutiements, elle fait d’immenses progrès. En 1883, les premiers panneaux solaires inventés par l’Américain Charles Fritts ne convertissaient que 1% de l’énergie solaire en électricité. Aujourd’hui la conversion s’approche des 20%. La plus forte contrainte des panneaux solaires réside dans la nécessité de construire de grands collecteurs pour capturer et convertir les rayons du soleil en électricité. Ils nécessitent une quantité importante de matériaux : du verre, des métaux lourds et des terres rares (cf. Graphique de la semaine).

La deuxième contrainte concerne la météo et l’alternance jour/nuit. Une des alternatives envisagées pour y faire face consisterait à mettre des panneaux solaires dans l’espace et à envoyer l’énergie sur terre par micro-ondes. Cette technologie est aussi appelée SBSP pour Space-Based-Solar-Power. Le projet ambitieux de Solaris, sponsorisé par l'Agence spatiale européenne (ASE), vise à créer une ferme solaire dans l'espace. La démonstration de transmission d'énergie sans fil a été faite le 9 novembre dernier à Munich, dans l'usine X-Works d'Airbus. L’énergie produite lors de cette expérience a été transmise sous forme de faisceaux de micro-ondes sur une distance de 36 mètres. Les satellites en orbite devront mesurer plusieurs kilomètres de diamètre pour produire l'équivalent de la puissance d'une centrale nucléaire. Il en serait de même pour les "antennes collectrices" sur terre. Le projet Solaris, qui sera prochainement proposé aux ministres européens de l'Espace, vise à étudier ces technologies afin de permettre aux États membres de prendre une décision quant à leur mise en oeuvre future. Cela aiderait l'Europe à atteindre le niveau d’émission de carbone "net zéro" d'ici le milieu du siècle.

Les projets solaires continuent de prendre de l’ampleur en Europe mais les plus avancés sont principalement portés par des entreprises chinoises dont les constructeurs de panneaux photovoltaïques : LONGi Solar, Trina Solar, JA Solar et Jinko Solar. Les Etats-Unis ne sont pas en reste, les leaders du secteur étant SunPower (SPWR US), Enphase Energy (ENPH US), First Solar (FSLR US) et SolarEdge (SEDG US).

L’énergie nucléaire pourrait renaître tel le Phénix

Dans un contexte de changement climatique et de hausse des prix mondiaux de l'énergie, le nucléaire connaît une renaissance. Selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE), la capacité mondiale de production d'énergie nucléaire, qui était de 393 GW fin 2021, devra presque doubler pour atteindre l'objectif d'émission "net zéro" fixé par l'organisation pour 2050. Or le nucléaire fait partie des énergies qui génèrent une part minime de CO2 (cf. Fig. 3). Cette technologie est puissante. Une pastille de combustible d'uranium fait à peu près la taille et le poids d'un ourson en gélatine, soit 7 grammes pour 1 centimètre de long et 8 millimètres de diamètre. La fission de l'ensemble des noyaux d'uranium 235 contenus dans un gramme libère ainsi autant d'énergie que la combustion de 3 tonnes de charbon, 2 tonnes de pétrole, ou encore 1,7 tonne de gaz naturel.

Contrairement au solaire, le nucléaire nécessite très peu de matières premières pour fonctionner (cf. Graphique de la semaine) et relativement peu d’espace pour être implanté. De plus, le nucléaire est une énergie très compétitive par rapport aux autres formes de production d'électricité. Le coût du combustible ne représente qu'une faible proportion des coûts de production totaux, bien que les dépenses d'investissement soient plus élevées que celles des centrales à charbon et beaucoup plus élevées que celles des centrales au gaz. Dans l'évaluation des aspects économiques de l'énergie nucléaire, les coûts de déclassement et d'élimination des déchets sont pleinement pris en compte.

En tant qu'investissement, une centrale nucléaire ne diffère pas fondamentalement de tout autre grand projet d'infrastructure. Les coûts d'investissement initiaux sont élevés et la construction peut s’étendre sur plus de cinq ans. La complexité technique présente des risques relativement élevés de retards et de dépassements des devis pendant la phase de construction. Les risques politiques et réglementaires pèsent également sur le coût du projet : régimes d'autorisation et de licence longs, dispendieux et changeants.

Une fois en service, les coûts d'investissement élevés de la construction nucléaire sont compensés par des coûts variables faibles et stables, mais la nécessité de financement initial important pour la construction représente un défi.

L’uranium ne représente qu’une partie infime des coûts de la production d’électricité. L'uranium est un élément naturel. On en trouve des traces presque partout sur terre. Il est plus abondant que l'or, l'argent ou le mercure, à peu près autant que l'étain et légèrement moins que le cobalt, le plomb ou le molybdène. Une dizaine de mines produisent plus de 50% de la production mondiale d’uranium (cf. Fig. 4). Il est presque entièrement utilisé pour produire de l'électricité, mais une petite partie sert à la production d'isotopes médicaux ou encore à la propulsion navale.

La France a fait très tôt le choix du nucléaire. Entre 1963 et 1971, EDF (Electricité de France) a mis en service six réacteurs. Grâce à cela, la France est devenue l’un des plus gros exportateurs d’électricité au monde et bénéficie d’une électricité meilleur marché que la plupart de ses voisins européens. EDF et ses filiales (ex : Framatome) sont devenues des leaders mondiaux du nucléaire. Le pays compte aujourd’hui 56 réacteurs nucléaires, dont 34 opérationnels actuellement, et le président Macron vient de relancer l’expansion nucléaire du pays avec la promesse de construction de 6 nouveaux réacteurs EPR (réacteur pressurisé européen).

Siemens ou Mitsubishi Heavy Industries sont également présents dans l’écosystème du nucléaire. Ainsi, même si Siemens s’était engagé à sortir du nucléaire en 2011, la société fournit toujours des pièces indispensables à la production d’électricité dans les centrales nucléaires (des systèmes d'excitation et convertisseurs de fréquence de démarrage, par exemple). Aux Etats-Unis, Mitsubishi Nuclear Energy System (MNES), une filiale de Mitsubishi Heavy Industries, participe à la construction du réacteur nucléaire US-APWR et offre ensuite une variété de services associés. Il s'agit notamment de remplacer les têtes de fermeture des cuves de réacteurs, mais aussi des générateurs de vapeur et des technologies robotiques. L’industrie nucléaire est donc toujours présente et semble renaître de ses cendres tel un Phénix.

L’indépendance énergétique nécessite aussi de s’affranchir de la dépendance chinoise

La loi américaine sur la réduction de l'inflation devrait encourager les investissements dans les énergies propres et la fabrication de technologies telles que les panneaux solaires, les batteries pour le stockage et pour les véhicules électriques, les éoliennes, etc. Cependant toutes ces technologies ont en commun des besoins énormes en minéraux comme le lithium, le cobalt, le cuivre, etc. Or environ 90% de l'industrie de transformation de ces minéraux se trouvent en Chine. Les plus grands fabricants de modules photovoltaïques (PV) sont également majoritairement chinois (cf. Fig 5 et 6). De son côté, l’Europe doit s’affranchir de sa dépendance à la Chine mais également à la Russie, et éviter d’augmenter sa dépendance au gaz naturel liquéfié (GNL) américain.

Les Etats-Unis et l’Europe vont tenter de rattraper leur retard dans ce domaine mais cela risque de prendre des années. Pour se démarquer, il leur faudra innover dans des secteurs de niche comme l’énergie solaire en provenance de l’espace (SBSP), développer des technologies autour de carburants alternatifs comme l’hydrogène, ou élaborer des solutions de stockage.

Conclusion

Toutes les énergies qui permettront de réduire l'empreinte carbone sont mises en avant. Cependant, les investissements sont souvent coûteux et le processus de décision ne doit pas occulter des solutions plus rentables. Comme dans la construction d’un portefeuille d’investissement, il convient aux politiques et aux investisseurs qui les accompagnent de faire les bons choix, avec un horizon de temps long. Il faut entre autres s’assurer que les sources d’approvisionnement soient diversifiées et que les coûts ne risquent pas de grimper sous la menace de conflits ou de catastrophes climatiques.

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