LA PRISE DE RISQUE A ÉCRASÉ LES SPREADS

STRATEGIE ET THEMATIQUES
Lundi 04 Mars 2024
Le niveau élevé des rendements obligataires attire les investisseurs
Les performances étant décevantes, ils acceptent de prendre davantage de risques
Malheureusement, le jour où les taux baisseront, l'écartement des spreads sera préjudiciable
L'avantage ira aux Treasuries et aux stratégies "long volatility"

GRAPHIQUE DE LA SEMAINE : "Au vu des rendements, quelles obligations privilégier ?"

ANALYSE DES MARCHÉS FINANCIERS

La performance des marchés obligataires a été globalement décevante depuis le 1er janvier. La bonne résistance de l'économie américaine et la décélération moins rapide que prévu de l'inflation ont fait craindre aux investisseurs que les banques centrales n'aient pas la capacité de couper leurs taux directeurs dès le mois de mars. Les anticipations de marchés se portent désormais sur un assouplissement de la politique monétaire en juin, pour la Fed mais aussi pour la BCE et la BNS. Ce report d'une baisse des taux courts s'est répercuté sur l'ensemble de la courbe des rendements, du 3 mois au 30 ans, et sur la plupart des émetteurs, Etats comme entreprises. Ainsi, les retours sur investissement oscillent entre -6.7% pour les obligations à 30 ans du Trésor américain et +1.6% pour les obligations les moins bien notées des entreprises émergentes (cf. Fig. 2 & 3).

Les investisseurs étant convaincus que la baisse des rendements obligataires finira par se matérialiser, ils acceptent de prendre davantage de risques. Leur objectif premier est de profiter des rendements les plus élevés (cf. Graphique de la semaine), sachant que de telles opportunités risquent de ne plus être disponibles d'ici quelques trimestres. En d'autres termes, ils supposent que la baisse des taux à venir compensera l'éventuelle augmentation des spreads de crédit et privilégient les obligations à haut rendement.

Les écarts entre les rendements des obligations d'entreprises et les bons du Trésor américains ont atteint des niveaux extrêmement bas (cf. Fig. 4). C'est un peu moins le cas en Europe, bien que la contraction soit également marquée (cf. Fig. 5). Pour mémoire, les spreads reflètent la confiance des investisseurs. Ils quantifient le supplément de rendement qu'exigent les acheteurs pour s'orienter vers des actifs plus risqués et renoncer aux instruments financiers les plus sûrs - hypothèse faite que le risque de défaillance du gouvernement américain soit considéré comme le plus faible. L'écart de rendement des obligations d'entreprises "US High Yield", une référence couramment utilisée pour jauger cette perception du risque, a diminué à 351 points de base, son plus bas niveau depuis janvier 2022. Le mouvement est encore plus impressionnant pour les entreprises de qualité, les obligations notées "single A" offrant désormais une prime de seulement 61 points de base, leur plus bas niveau historique. D'ordinaire, les spreads de crédit sont faibles lorsque les conditions financières sont saines et que les défaillances d'entreprises sont minimes. Paradoxalement, ce n'est pas le cas actuellement (cf. Fig. 6 & 7).

À moins d'estimer que les entreprises de bonne qualité sont désormais à peine plus risquées que la dette souveraine américaine, l'optimisme des investisseurs obligataires semble exagéré. Entre le 14 et le 21 février, les investisseurs ont investi 15 milliards de dollars dans les obligations, dont 10 milliards dans les fonds d'obligations de qualité. Ces derniers ont ainsi enregistré une seizième semaine consécutive d'afflux, la plus longue séquence depuis octobre 2021.

Cette prise de risques sur le marché obligataire, qui s'apparente pour certains à de l'insouciance, a été encouragée par les bonnes performances des marchés boursiers. Le S&P 500 vient d'atteindre un nouveau record à 5'111 dollars. À l'exception de la période de Covid-19, entre 2020 et 2022, l'évolution des spreads de crédit a toujours évolué en parallèle de la performance et de la volatilité des actions (cf. Fig. 8 & 9). Les trois indicateurs réagissent de manière similaire aux changements dans les conditions économiques et financières. Pour maintenir les spreads américains aussi bas, il faudra que la performance annuelle du S&P 500 continue de dépasser 15%. Dans le cas contraire, acheter la volatilité des actions sera un moyen très efficace pour les investisseurs de couvrir leurs portefeuilles, non seulement contre une prochaine correction boursière, mais aussi contre un accroissement du risque de crédit.

Conclusion :

Au vu des conditions de marchés, les investisseurs sont rationnels en cherchant à accroître leur allocation aux actifs à revenus fixes. Toutefois, en termes de rendement ajusté du risque, les obligations souveraines disposent actuellement d'un net avantage sur les obligations d'entreprises. Dans le cas d'une hausse des spreads, ceux qui auront acheté la volatilité des actions seront également mieux protégés.

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