ET SI LE PÈRE NOËL NE PASSAIT PAS ?

STRATEGIE ET THEMATIQUES
Le mois de novembre a été excellent pour les investisseurs
Il n'en fallait pas davantage pour qu'ils anticipent un rallye de fin d'année
Malheureusement, le risque de déception est grand
Les perspectives et les indicateurs techniques sont mal orientés

GRAPHIQUE DE LA SEMAINE : Qui a raison : les marchés obligataires ou boursiers ?

ANALYSE DES MARCHÉS BOURSIERS

En décembre, les investisseurs ont coutume d'espérer le passage du Père Noël sur les grandes places financières et de profiter d'une augmentation des indices boursiers. Ce phénomène saisonnier est communément appelé "rallye de Noël". Les données montrent que depuis 1928 les actions américaines ont progressé trois fois sur quatre au mois de décembre, avec une hausse médiane des cours de 1.5% (cf. Fig. 2). Décembre est ainsi le mois de l’année le plus favorable aux investisseurs en actions (cf. Fig. 3).

Le rallye de Noël a été mentionné pour la première fois par Yale Hirsch dans son Stock Trader's Almanac de 1972. Il s'agit en définitive d'un effet calendaire, perceptible non pas sur l'intégralité du mois de décembre, mais uniquement durant les cinq derniers jours de cotation de l'année et les deux premiers de janvier.

Il n'y a pas d'explication communément acceptée pour ce phénomène mais des facteurs multiples, plus ou moins crédibles :

  • Le biais comportemental des investisseurs, lié à leur enthousiasme durant la période joyeuse des fêtes de fin d'année.
  • L'investissement des primes et des bonus perçus en fin d'année, y compris pour des considérations fiscales, qui génère un flux de capitaux vers les marchés boursiers.
  • Le rééquilibrage des portefeuilles, auquel procèdent habituellement les gestionnaires de fonds, chaque fin de mois, trimestre ou année.
  • La baisse du volume des transactions, les investisseurs institutionnels étant moins actifs durant leurs périodes de vacances. En stoppant leurs potentielles ventes à découvert, ils laissent le marché aux investisseurs particuliers, qui se positionnent principalement à l'achat et qui, de surcroît, ont tendance à être plus optimistes.

La tradition du rallye de Noël connaît parfois des ratés, au deuxième rang desquels décembre 2018. Il y a quatre ans, les raisons de s’inquiéter pour la conjoncture mondiale ne manquaient pas : guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis, spectre d'un Hard Brexit, tensions sur la dette italienne, incertitudes vis-à-vis de la politique monétaire de la Fed, etc. Les investisseurs en actions avaient alors subi un appauvrissement inédit depuis 1931. Dans certains cas, les mois de décembre au cours desquels la hotte du Père Noël était vide ont précédé de très mauvais millésimes. Ce fut notamment le cas des années 1930, 1931, 1937, 1956, 1969, 1970, 1981, 1984, 2008 et 2015. De ces années est né l’adage "If Santa Claus should fail to call, Bears may come to Broad and Wall" que l'on pourrait traduire par "Si le Père Noël ne passe pas, alors les ours apporteront la crise économique et boursière".

Cette année, comme en 2018, de solides arguments devraient inciter les investisseurs à la prudence :

  • Premièrement, les perspectives globales pour l'année 2023 ne sont pas favorables au marché boursier (cf. Perspectives 2023 : la phase de capitulation). Les derniers chiffres publiés viennent confirmer l'affaissement du cycle économique (cf. Fig. 4) et la contraction des bénéfices des sociétés (cf. Fig. 5).
  • Deuxièmement, à la différence des investisseurs en actions, ceux en actifs à revenus fixes ont été nettement plus pessimistes ces derniers temps (cf. Graphique de la semaine & Fig. 6). Or, dans la plupart des cas où leurs vues divergent, ce sont les investisseurs obligataires qui finissent par avoir raison. Par nature moins spéculatifs que les boursicoteurs, leurs anticipations sont plus proches de la réalité.

  • Troisièmement, une grande partie des bonnes nouvelles a déjà été intégrée en novembre : recul du taux d'inflation, élections de mi-mandat aux US, assouplissement de la stratégie zéro covid en Chine, discours plus accommodant des banques centrales, saison des résultats meilleure qu'attendu, etc.
  • Quatrièmement, la volatilité pourrait rebondir prochainement. Durant le bear market de 2001-2003, l'indice VIX ne s'est que très rarement envolé au-dessus de 30 (à l'exception des semaines qui ont suivi les attentats du 11 septembre 2001 et dans l'attente de l'entrée en guerre des Etats-Unis en octobre), mais il est actuellement très faible (cf. Fig. 7). La moindre incertitude des investisseurs risque de faire grimper la volatilité et, par effet mécanique, d’accentuer la rapidité de la prochaine phase de correction.
  • Cinquièmement, les indicateurs techniques sont arrivés en zone d'optimisme excessif et de surachat (cf. Fig. 8). Pour qu'ils se rapprochent de leur moyenne, de deux choses l'une : soit les indices actions marquent une pause de plusieurs semaines, comme en avril et novembre 2021, soit ils se contractent rapidement, comme en avril et août derniers.

Conclusion

Au cours des dernières semaines, les investisseurs en actions ont cherché à préserver leur optimisme mais les perspectives économiques se dégradent, et avec elles la croissance des bénéfices. Ils devront prochainement affronter la réalité et aligner leurs vues sur celles des investisseurs obligataires qui dépeignent un scénario de crise. Dans ces conditions, escompter un rallye de Noël semble vain. Par loyauté envers son personnage dans le film culte de Jean-Marie Poiré, cette année le Père Noël risque d'être une ordure.

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