BULL RUN OU BULL TRAP ?

STRATEGIE ET THEMATIQUES
Les investisseurs obligataires délivrent un message de récession
Les indicateurs avancés entrevoient un atterrissage brutal de l'économie
Les bénéfices des sociétés et les valorisations étant amenés à se contracter…
… les marchés boursiers auront du mal à poursuivre leur ascension de janvier

GRAPHIQUE DE LA SEMAINE : "Croissance de la production et des bénéfices des sociétés"

ANALYSE DES MARCHÉS FINANCIERS

2023 débute en fanfare. L’avenir s’annonce-t-il chantant pour les investisseurs ? Les marchés boursiers ont enregistré d'excellentes performances au cours des six premières semaines de cotation. L'indice phare des actions américaines, le S&P 500, a progressé de +9%, son petit frère des valeurs technologiques, le Nasdaq, de +17%, tandis que son homologue européen, l'Euro Stoxx, s'appréciait de +12%. Logiquement, les investisseurs se demandent s'il s'agit d'un nouveau bull run ou d'un quatrième bull trap. En observant les signaux envoyés par le marché obligataire, la réponse à cette question cruciale ne semble pas si complexe (cf. Fig. 2).

Aux États-Unis, les deux tiers des entreprises qui composent le S&P 500 ont publié leurs résultats pour le quatrième trimestre 2022. 70% d'entre elles ont dépassé les estimations (cf. Fig. 3). Cela peut sembler positif mais c'est le résultat le plus faible depuis la Grande Crise Financière de 2008. Leurs bénéfices ont chuté de -5.3% par rapport à l'an dernier. Ils ont été pénalisés par les mauvais résultats des sociétés de communication et des financières, mais aussi par ceux des grands noms de la technologie tels que Meta, Alphabet, Amazon et Apple. Heureusement, elles n'ont pas toutes été sanctionnées. Meta, par exemple, qui a réussi à dépasser les attentes en matière de revenus et à réduire ses coûts, a bondi pour atteindre son plus haut niveau des six derniers mois. A l'autre bout du spectre, les secteurs défensifs des services publics et des soins de santé s'en sortent bien.

Les prochains trimestres ne seront globalement pas meilleurs. Les bénéfices évoluant au gré du cycle économique (cf. Graphique de la semaine), ils seront négativement impactés par la faiblesse de la demande. Par ailleurs, les sociétés ont continué à embaucher alors que leur production commençait à faiblir. Ce faisant, elles ont dégradé leur productivité (cf. Fig. 4), ce qui pèsera plus qu'à l'accoutumée sur les bénéfices futurs.

Au vu des récents indicateurs avancés, notamment du faible remplissage des carnets de commandes dans l'industrie (cf. Fig. 5), les bénéfices des sociétés cotées se contracteront davantage. Nos modélisations économétriques permettent d'estimer un creux à -20% sur l'ensemble de l'année 2023 (cf. Graphique de la semaine), bien loin du consensus. Les analystes entrevoient une très légère contraction des profits, avec une baisse au premier semestre et un rebond ensuite. Leurs estimations sont fondées sur un atterrissage en douceur de l'économie, or ce type de situation ne se produit quasiment jamais. Dans l'immense majorité des cas, les atterrissages économiques sont brutaux. Au cours des 23 dernières années, une prévision de recul des bénéfices ne s'est produite qu'à quatre reprises (2001, 2008, 2015, 2020). Dans chaque cas, les indices actions ont essuyé une baisse significative.

Les marchés boursiers ayant progressé au moment où les bénéfices reculaient, les valorisations se sont renchéries. Dit autrement, les sociétés cotées sont redevenues aussi "chères" qu'en début d'année dernière, avant la correction boursière. D'aucuns les trouveront "bon marché" mais les ratios sont très au-dessus de leurs précédents creux de cycle : 1995, 2002, 2008, 2011 ou 2020 (cf. Fig. 6). Pour les 10 prochains mois, le risque d'assister à une nouvelle compression des multiples est donc réel. A en croire les investisseurs obligataires, un multiple de 14x les bénéfices ne serait pas inconcevable (cf. Fig. 7).

2023 enregistre le meilleur début d'année pour les portefeuilles multi-actifs depuis 1987. Les marchés actions n'ont pas été les seuls contributeurs de performance. Les obligations et l'or ont gagné 3% à 6% sur la période. C'est légèrement moins spectaculaire mais tout aussi notoire et, surtout, la probabilité d'une prochaine correction de ces actifs est bien moindre.

Conclusion

Les performances passées ne préjugent pas des performances futures. Après six semaines particulièrement rémunératrices en 2023, cet avertissement de responsabilité n'aura jamais été autant approprié à la situation actuelle des marchés boursiers. Les indicateurs avancés, et le scénario économique qui en dépend, laissent peu de place au doute : la récession sera puissante en 2023. Les bénéfices des sociétés en pâtiront, entraînant avec eux les indices boursiers vers de nouveaux points bas. Il est trop tôt pour prendre des risques.

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